Parler de ses échecs en entretien : une bonne idée ?

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Dans un dessin posté récemment sur LinkedIn et reprenant sous forme d’iceberg toutes les épreuves non visibles qu’il faut traverser pour arriver au succès (image réalisée par @sylviaduckworth) j’ai noté la présence pertinente du mot « failure », qui signifie « échec » en français. Sauf exception retentissante il semble en effet bien difficile d’atteindre directement le succès sans être passé auparavant, et parfois même à plusieurs reprises, par la case échec. Les citations sur le sujet ne manquent pas. Thomas Edison aurait dit (je préfère parler au conditionnel tant les sources des citations peuvent-être aléatoires sur le web…) : « je n’ai pas échoué, j’ai trouvé 10000 moyens qui ne fonctionnent pas ». José-Raoul Capablanca, que certains présentent comme le meilleur joueur d’échecs de tous les temps, affirmait que l’on « peut tirer plus d’utilité d’une partie perdue que de cent parties gagnées ». Je me suis alors demandé pourquoi ces moments constructifs de nos parcours, ceux durant lesquels nous avons dépensé en vain tant d’efforts pour bâtir les fondations de nos réussites futures, n’étaient jamais abordés en entretien ?

Autant les succès sont mentionnés dans un CV et scrutés par les recruteurs, autant les ratés ne le sont quasiment jamais. Chez Peoplexpert rares sont les candidat(e)s qui ont tenté d’argumenter leurs réussites en explorant les étapes infructueuses qui les ont précédé. Dans le même ordre d’idée j’imagine que peu d’entres-nous ont déjà entendu un recruteur leur demander de détailler tout ce qu’ils ont raté dans leur carrière. Lorsque j’étais moi-même candidat (il y a quelques années déjà…) cela ne m’est en tout cas jamais arrivé. En entretien, bien que nous sachions que ce n’est pas la réalité, nous détaillons chacune des étapes de nos parcours respectifs comme autant tout de réussites successives. Comme si la vie professionnelle n’était qu’un long fleuve tranquille. Nous craignons d’avouer un échec car il créerait le questionnement et sonnerait comme un aveux de faiblesse dans un marché du travail déjà compliqué. Faire abstraction de ces moments de vie est pourtant dommageable tant ils sont porteurs d’informations sur ce que nous sommes vraiment. Pouvons-nous analyser les raisons d’une chute ? Avons-nous suffisamment de lucidité et d’humilité pour identifier les défauts qui nous ont pénalisés et les corriger ? Portons-nous suffisamment d’énergie, de détermination et de motivation pour nous relancer, même après la plus cinglante des désillusions ? De nombreux traits de caractères se manifestent lorsque nous devons faire face à des situations difficiles. Il y a donc là un vrai terrain de découvertes pour un recruteur et un vaste champ d’arguments valorisants à puiser pour un candidat qui prendrait le temps d’y réfléchir un minimum en amont.

Plusieurs personnes ont fait le buzz ces dernières années sur la toile en mettant en ligne leur « CV of failures ». Les articles traitant du sujet se sont également multipliés. L’idée rejoint l’argumentaire développé précédemment en le portant à l’extrême : puisque les échecs sont importants dans une carrière, pourquoi ne pas rédiger un CV ne mentionnant que ceux-ci ? Certains vont même jusqu’à donner des références à contacter tout en sachant que les retours seront mauvais ! L’article le plus ancien que j’ai trouvé après quelques recherches rapides date du 17 novembre 2010. Mélanie Stefan y explique pourquoi un « CV of failures » pourrait être une bonne idée. Un peu plus tard Johannes Haushofer a suivi ses conseils et a créé le sien. Jeff Scardino s’y est également essayé sur LinkedIn. Je reste cependant mesuré sur cette pratique. A mon sens une telle démarche peut effectivement être intéressante mais seulement si elle vient compléter un CV classique. Tomber dans l’extrême pourrait certes faire de vous une star du web mais risquerait tout de même de compliquer fortement votre recherche d’emploi. Autant il semble justifiable de s’appuyer sur certains échecs évocateurs quand ils permettent de conclure avec un succès, autant présenter un CV ne reprenant que des ratés et/ou des mauvaises évaluations semble risqué.

Quand à nous, chez Peoplexpert, allons-nous désormais interroger nos candidats et candidates sur leurs échecs passés ? Voilà une question à laquelle je ne veux pas répondre. Non pas que je ne puisse pas le faire, mais plutôt parce que nous devons conserver un peu de mystère dans nos process.

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